6. Méthode de gestion des petites populations
                        (d'après H. de ROCHAMBEAU, 1983)

  6.1. Evolution génétique d'une petite population

  6.2. Les trois principes généraux de gestion des petites populations

  EN RESUME



La gestion génétique d'une population concerne la variabilité génétique existante. Cette gestion s'effectue dans deux directions à la fois complémentaires et antagonistes : on cherche à valoriser cette variabilité en créant un progrès génétique, tout en conservant un maximum de variabilité. Dans le cas des petites populations, le second aspect - maintien de la variabilité génétique - est prioritaire. Après avoir rappelé pourquoi et comment la variabilité génétique diminue inéluctablement dans une population d'effectif limité, nous présenterons les trois principes généraux qui sous-tendent les méthodes de gestion génétique des petites populations.

6.1. Evolution génétique d'une petite population
Lorsque l'effectif d'une population est limité, le passage d'une génération à la suivante provoque un échantillonnage des gènes existant dans la population. Certains gènes se maintiennent et sont copiés au fil des générations - on parle alors de gènes identiques -, d'autres disparaissent. Ces tirages aléatoires provoquent une fluctuation des fréquences des différents allèles présents dans le patrimoine génétique de la population - c'est la dérive génétique -, ainsi que la concentration des gènes identiques - c'est la consanguinité et l'apparentement -. Pour évaluer ces phénomènes, les généticiens disposent du coefficient de consanguinité qui mesure la probabilité de trouver deux gènes identiques au même locus chez un individu. C'est lui que nous utilisons pour apprécier la diminution de la variabilité génétique dans une population.
Les conséquences de la dérive génétique et de la consanguinité sont perceptibles à deux niveaux :

    • D'une part, les performances moyennes des animaux de la population, et surtout les performances de reproduction et d'adaptation, baissent (c'est la dépression de consanguinité),
    • D'autre part, la variabilité génétique diminue. Cette réduction de la variabilité génétique s'observe à deux niveaux :
        • Parmi tous les gènes présents initialement, la dérive génétique provoque la disparition de certains d'entre eux lors du passage d'une génération à la suivante. Le pool génétique de la population s'appauvrit à chaque locus et, plus globalement, des combinaisons génétiques originales, entre les gènes situés à différents locus, sont perdues.
        • Ces phénomènes géniques élémentaires entraînent des modifications au niveau des paramètres statistiques utilisés en génétique quantitative : les variances génétiques et ,notamment la variance génétique additive, baissent.
Disposant d'une variabilité génétique plus faible, la population possède moins de possibilités d'évolution pour l'avenir : elle est susceptible de s'adapter à un moins grand nombre de situations et les progrès génétiques potentiels sont plus faibles.
Face à cette diminution inéluctable de la variabilité génétique, les méthodes de gestion des petites populations s'efforcent de la ralentir au maximum en contrôlant l'augmentation du coefficient de consanguinité moyen.



6.2. Les trois principes généraux de gestion des petites populations
L'étude des méthodes de gestion des petites populations a été développée, dans le cadre du département de génétique animale de l'INRA, depuis 1976. Elle a été menée en collaboration étroite avec le département des sciences animales de l'INA - PG, l'UNLG, un organisme national, ainsi que les instituts techniques (ITOVIC, ITEB, ITP, ...) et les associations d'éleveurs correspondantes. Ces travaux se sont toujours appuyés sur des cas concrets de manière à intégrer au maximum les diverses contraintes, de nature biologique, technique ou socio-économique, auxquelles sont soumis les éleveurs. Les premiers résultats concernaient une race caprine, la Poitevine (De ROCHAMBEAU et al, 1979) et une synthèse ultérieure a traité le cas de petits ruminants (CHEVALET et de ROCHAMBEAU, 1979). Suivirent ensuite des travaux concernant les espèces bovines, porcines et avicoles.
De l'ensemble de ces cas particuliers se dégagent trois idées principales :
6.2.1. Le partage de la population en groupes de reproduction
Un groupe de reproduction est formé d'un groupe d'un ou plusieurs mâles et des femelles qui leur correspondent. Ces groupes ont des structures démographiques aussi semblables que possible, et on recherche à en faire une dizaine dès que les effectifs de la population le permettent. L'optimum du nombre de ces groupes, suivant la dimension de la population, se situe entre 7 et 15. En effet, si le nombre de groupes est très grand (à la limite autant que d'individus d'un sexe) :
    • Il faudra beaucoup de temps pour faire le tour des groupes (donc baisse de la consanguinité engendrée),
    • Mais les groupes seront, pour beaucoup d'entre eux, très proches génétiquement les uns des autres (donc augmentation de la consanguinité).

Lorsque l'on possède les généalogies des animaux, on peut valoriser cette information pour rassembler, au sein d'un même groupe, des animaux plus apparentés entre eux qu'avec le reste de la population. Ces groupes s'appellent alors des familles. Cependant, ces contraintes d'ordre génétique ne viennent qu'en troisième position lors de la constitution des groupes de reproduction, après les contraintes d'ordre démographique et après celles qui résultent éventuellement de la répétition des animaux entre plusieurs élevages.
6.2.2. La circulation des reproducteurs mâles entre les groupes de reproduction est programmée
Les reproducteurs mâles d'un groupe saillissent les femelles d'un groupe de reproduction toujours différent de celui dont ils sont issus. Au cours du temps, les reproducteurs mâles saillissent les femelles de tous les autres groupes.


6.2.3. Le nombre de reproducteurs
Ce troisième principe est le plus important. Dans nos espèces d'animaux domestiques, le nombre de mâles est très souvent inférieur au nombre de femelles et, par conséquent, c'est lui qui est déterminant dans les phénomènes de dérive génétique et de consanguinité. Dans le cadre d'un programme de conservation, le nombre de mâles utilisés effectivement chaque année ainsi que le rythme de renouvellement de ces mâles sont deux paramètres fondamentaux.


Au-delà de ces principes, chaque race reste un cas particulier du fait de ses caractéristiques propres, de son mode de conduite (et notamment celui de la reproduction : âge de mise bas, utilisation ou non de l'insémination artificielle, âge des reproducteurs à la réforme, etc.), du milieu naturel dans lequel elle vit et des éleveurs qui l'élèvent. Chaque race mérite donc une étude particulière.



En résumé:

Dans le cas des populations à faibles effectifs, la gestion génétique vise en premier lieu à limiter la consanguinité et à augmenter la variabilité génétique. Pour cela, et tout en respectant les spécificités du troupeau, trois principes sont à respecter :

    • Partager les animaux en familles. Les membres d'une famille doivent être apparentés entre eux et génétiquement éloignés des autres familles,

    • Les groupes de mâles rencontrent, tour à tour, les femelles des groupes dont ils ne sont pas issus,

    • Le renouvellement des mâles est rapide afin de faire varier les origines.







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