5. Approche génétique de la population actuelle

  5.1. Le potentiel en reproducteurs

  5.2. L'utilisation des reproducteurs

  5.3. Etude de la généalogie
      5.3.1. Calcul des coefficients de consanguinité et de parenté
      5.3.2.Le logiciel d'analyse de généalogie
      5.3.3. La construction du fichier généalogique
      5.3.4. Etude de la consanguinité
      5.3.5. Etude de l'origine des gènes
      5.3.6. Etude des liens de parenté

  EN RESUME

5.1. Le potentiel en reproducteurs
En 2000, 119 baudets sont agréés à la monte publique et 176 femelles ont trois ans ou plus et sont en âge de se reproduire.
La moyenne d'âge des mâles est de 8,6 ans et celle des femelles de 8,2. Nous sommes donc en présence d'un groupe de femelles sensiblement plus jeune que celui des étalons. Ces moyennes semblent assez élevées. Cependant, il ne faut pas oublier que la longévité des ânes est supérieure à celle des chevaux. Mâles et femelles sont encore mis à la reproduction à l'âge de 20 ans.

Les camemberts 13 et 14 ci-dessus montrent que la répartition des animaux selon leur âge est sensiblement la même chez les mâles et chez les femelles. La proportion de femelles âgées de 1 à 5 ans est toutefois supérieure pour les ânesses ce qui est un bon signe pour l'avenir de la race qui pourra assurer le renouvellement des femelles. On note, également, que la longévité des ânesses est supérieure à celle des baudets puisqu'il existe des femelles de plus de 20 ans alors que ce n'est pas le cas chez les mâles.
En analysant les moyennes d'âge des mâles dans le berceau, en France et à l'Etranger, on note que les baudets élevés hors de la France sont plus âgés ; leur moyenne d'âge est de 9,5 ans pour une moyenne de 7,8 ans pour les baudets français. Les renouvellements se font moins facilement à cause des tailles plus réduites des élevages.

5.2. L'utilisation des reproducteurs
Connaissant les effectifs de la population de baudets du Poitou, le nombre de descendants par reproducteurs peut être évalué.
   
Livre A
 
Livre B
 
TOTAL
 
Mâles
 
129
 
-
 
129
 
Femelles
 
192
 
345
 
537
 
TOTAL
 
321
 
345
 
666
A noter que les baudets B ne sont pas pris en compte tout au long de l'étude car ils n'interviennent pas dans la sauvegarde de la race.
Les femelles de race pure ont en moyenne 1,7 descendants (= 321/192).
Sachant qu'une femelle est mise à la reproduction à l'âge de trois ans et qu'elle peut être saillie jusqu'à l'âge de 20 ans, cela fait 17 années potentielles de production. En tenant compte des taux de fertilité faible (autour des 50%), une femelle peut faire naître dans sa vie environ sept fedons. En comparant ce chiffre avec le nombre réel de descendants par ânesse, il est possible de mettre en évidence une sous-utilisation des reproductrices qui peut s'avérer préjudiciable à la race et à sa sauvegarde.
Concernant les mâles, la moyenne de descendants par reproducteurs avoisine 6,8 (en considérant que le nombre de mâles croisés est compris entre 200 et 250). Il existe des profondes disparités dans l'utilisation des mâles. On dénombre en effet :
    • 7 baudets ayant plus de 20 descendants (histogramme ci-dessous),
    • 8 baudets ayant entre 10 et 20 descendants,
    • 11 baudets ayant entre 7 et 10 descendants.
Par conséquent, 20% des baudets ont un nombre de descendants supérieur à la moyenne.
Un calcul complémentaire montre que plus d'un quart des baudets ne sont pas mis à la reproduction ! Afin d'éviter les problèmes de consanguinité, il est important de faire varier les origines en utilisant le maximum de baudets.

5.3. Etude de la généalogie
5.3.1. Calcul des coefficients de consanguinité et de parenté
Le coefficient de parenté entre deux individus, x et y, est égal à la probabilité pour que deux gènes tirés au hasard au même locus, l'un chez x et l'autre chez y, soient identiques par descendance. En d'autres termes, il mesure avec quelle probabilité deux individus peuvent transmettre chacun dans un de leurs gamètes la copie d'un même gène ancêtre.

Le coefficient de consanguinité d'un enfant z est égal au coefficient de parenté entre ses deux parents x et y. Ainsi, il mesure avec quelle probabilité un individu a reçu, des deux gamètes parentaux dont il est issu, deux copies d'un même gène ancêtre.

Pour calculer ses coefficients, on utilise la formule de MALECOT :
 Fz=Rxy=S(1/2)n1+n2+1(1+FA)
 








 - Fz est le coefficient de consanguinité de z,
- Rxy est le coefficient de parenté des individus x et y,
- n1 et n2 sont les nombres de générations séparant x et y de leurs ancêtres communs,
- FA est le coefficient de consanguinité de l'ancêtre commun A.
Voir l'exemple de calcul ANNEXE 2
5.3.2. Le logiciel d'analyse de généalogie
Ce logiciel a été conçu par des chercheurs de l'INRA de Jouy-en-Josas. Il permet d'analyser des données généalogiques afin de calculer des probabilités d'origines des gènes et les coefficients de parenté et de consanguinité d'une population. Composé d'un ensemble de programmes indépendants et écrits de façon homogène en langage de programmation FORTRAN, il est particulièrement intéressant dans le cas d'une population à effectif important du fait de sa grande vitesse de calcul.

Ses différentes fonctionnalités sont :

    • Le calcul des coefficients de consanguinité. Deux méthodes sont possibles :
        • La méthode de MEUWISSEN et LUO, particulièrement rapide,
        • La méthode Van RADEN, plus lente mais aussi plus souple d'utilisation. Elle permet en particulier de calculer les coefficients de consanguinité à nombre de générations borné et ainsi de dissocier consanguinité proche et consanguinité éloignée. Elle permet également de considérer que les ancêtres sont potentiellement apparentés entre eux ou consanguins, hypothèse utile lors de l'analyse de populations dont l'information généalogique est hétérogène.
    • Le calcul des probabilités d'origine des gènes.
          Le programme calcule les probabilités d'origine des gènes d'un ensemble d'individus. Par combinaison de ces probabilités, le nombre de fondateurs efficaces est estimé. Ce chiffre représente le nombre de fondateurs qu'il y aurait s'ils avaient tous la même contribution dans la généalogie. (Un fondateur est un individu dont on ne connaît pas les parents).
          Il permet également de déterminer les ancêtres (pas forcément fondateur) les plus importants.
    • Le calcul des coefficients de parenté.
          La matrice de parenté peut être réalisée pour un nombre d'individus choisis compris entre quelques centaines et quelques milliers.

5.3.3. La construction du fichier généalogique
Le type de fichier à créer

Le fichier qui sera traité par le logiciel d'analyse de généalogie doit se présenter sous la forme d'un listing où sont répertoriés tous les animaux. Pour créer ce fichier, il est conseillé d'utiliser le logiciel EXCEL, car il permet de réaliser de nombreux tris, fonctionnalité couramment employée lors de la construction du fichier.
Une ligne est assignée par animal.
Pour chacun d'eux, on définit :
    • Le sexe : 1 pour les mâles et 2 pour les femelles,
    • Le nom du baudet,
    • Un numéro qui l'identifie de façon unique. Le numéro de stud-book étant attribué aux baudets du Poitou depuis 1884, c'est lui que nous avons choisi d'utiliser comme identifiant d'un animal,
    • S'il est actif (agréé à la monte public), ou inactif (non agréé ou mort). Le chiffre 1 est saisi dans le cas où le baudet est actif et 0 dans le cas où il est inactif,
    • Le nom de son père,
    • Un identifiant du père : le numéro de stud-book,
    • Le nom de sa mère,
    • Le numéro de stud-book de la mère,
    • L'année de naissance du baudet.
Le principe est le suivant : lorsque le père (ou la mère) d'un animal est saisi , il faut vérifier que cet ascendant soit lui-même enregistré en tant que baudet, c'est à dire que ses caractéristiques (sexe, nom, numéro de stud-book, ascendants…) soient connues. Ainsi, l'arbre généalogique est décrit pas à pas et d'une manière rigoureuse, puisque toujours les mêmes variables sont utilisées.

Les informations disponibles

Les sources d'information dont nous disposons sont limitées :
    • Les livrets généalogiques constituent la source d'informations principale. Ils sont édités chaque année depuis 1884 par le syndicat mulassier. Malheureusement, l'UPRA " Races Mulassières du Poitou " ne possède plus l'intégralité de ces livrets,
    • Les inventaires de la population édités en 1994 et 1997,
    • Des documents divers sur lesquels sont retracées les généalogies de quelques animaux.


La qualité des informations n'est pas optimale pour deux raisons :
    • Il arrive fréquemment qu'une dizaine de baudets soient homonymes. Un numéro de stud-book permet d'identifier chaque animal de façon unique. Cependant, jusqu'en 70, lorsqu'un âne était inscrit dans les livrets du stud-book, seuls les noms des parents apparaissaient. Entre 1970 et 1980, le numéro de stud-book du père est indiqué la plupart du temps. A partir de 1980, il est en général possible de retrouver les numéros de stud-book des deux parents.
      En résumé, il n'est pas facile de retracer les généalogies des baudets et cela s'avère même quasiment impossible avant 1950. En outre, il est encore plus difficile de remonter l'arbre généalogique du côté maternel. Nous conseillons d'ajouter un suffixe au nom de l'animal afin de le rendre unique. De plus, cela permettrait de déterminer rapidement l'élevage d'origine,
    • Les papiers falsifiés au cours des années 80 nous amènent à être circonspects face aux animaux ayant pour suffixe " DU BOURG " ou pour père DIVISEUR.

Méthode de construction utilisée

La construction de ce fichier demande rigueur et méthodologie.
      1. Les baudets agréés à la monte en 2000 sont saisis en premier,
      2. Il faut vérifier que le père de chaque baudet est bien inscrit en tant que mâle. Si l'un des parents (ou les deux) n'est pas connu, le numéro 0 lui est attribué,
      3. Une fois que l'arbre généalogique est remonté le plus loin possible du côté paternel, la liste des mères est copiée et collée à la suite des mâles. Il faut prendre soin de réaliser un tri par ordre alphabétique de ces femelles afin déliminer les inscription multiples d'une ânesse ayant donné naissance à plusieurs mâles figurants dans la liste. Chaque femelle est, alors, à son tour, enregistrée,
      4. La vérification finale consiste à considérer chaque baudet agréé l'un après l'autre et de remonter progressivement dans sa généalogie afin de contrôler si toutes les saisies ont été réalisées. Nous conseillons de commencer par les ascendants paternels avant de vérifier les ascendants maternels.

Remarque : lorsque le numéro de stud-book d'un âne n'est pas connu, un numéro quelconque lui est attribué de manière à ce que le logiciel puisse l'identifier de façon unique.

Résultats de la saisie :

    • Le fichier comporte uniquement 350 animaux, dont 220 mâles et 130 femelles. On peut, dès à présent, présumer une faible diversité dans les origines des baudets actuels,
    • Nous avons, d'ores et déjà, inclus dans le fichier dix mâles de moins de 3 ans. Il suffira de les supprimer s'il s'avère qu'ils ne sont pas agréés.
    • Nous avons pu remonter en moyenne sur 5 générations. Le baudet le plus âgé, Ultra, est né en 1942. Pour un baudet seulement, nous n'avons pu retracer la généalogie au-delà de ses parents.
Le fichier réalisé se trouve en ANNEXE 3.
5.3.4. Etude de la consanguinité
Les 127 coefficients de consanguinité calculés par le logiciel montrent que la population de baudets du Poitou est particulièrement consanguine. Avec une moyenne de 6,8%, la consanguinité est supérieure à celle que l'on retrouve dans d'autres populations d'animaux domestiques :
 Espèce  Race  Echantillon étudié  
Coefficient moyen
 Bovine  Parthenaise  2904 animaux nés en 1989  
0,6%
 Bovine  Parthenaise  135 taureaux de monte naturelle utilisés en 1988/1989  
0,4%
 Bovine  Aubrac  254 taureaux actifs en 1988  
0,9%
 Bovine  Limousine  163 taureaux de monte naturelle évalués en connexion  
1,2%
 Bovine  Holstein  600 vaches du Herd-Book US  
4,3%
 Ovine  Lacaune  129 béliers d'IA utilisés en 1989  
1,5%
 Equine  Boulonnaise  620 animaux nés en 1988 et 1989  
4,7%
 Equine  Trait poitevin mulassier  33 étalons agréés à la monte en 1997  
4,8%


Parmi les 127 étalons étudiés, 23 ont un coefficient de consanguinité supérieur à 10%, niveau à partir duquel le pourcentage est considéré comme élevé. Heureusement, plus de la moitié des baudets ont un coefficient faible, compris entre 0 et 5%.


Cette moyenne élevée provient d'erreurs commises par les éleveurs plus influencés dans le choix des reproducteurs par le phénotype que par le génotype. Elle est la conséquence de ce que nous avons montré précédemment : l'inégalité de l'utilisation des baudets à la reproduction. De plus, croiser une ânesse avec son père " race " bien, c'est à dire que les caractères de la race sont accentués. Ce procédé était donc apprécié par les éleveurs.
En outre, même si les coefficients de consanguinité avoisinaient seulement les 3,5% en 1977 (AUDIOT, 1977), les baudets à l'origine de la population actuelle étaient trop peu nombreux pour apporter beaucoup de courants de sang et une réelle variabilité génétique.

Cette consanguinité (présentée en ANNEXE 4) pourrait d'ailleurs expliquer les problèmes de fertilité que connaissent les baudets du Poitou.

En conclusion, sans être dans l'ensemble alarmants, les niveaux de consanguinité du cheptel actuel de baudets du Poitou montrent la nécessité d'un plan d'accouplement qui guidera les éleveurs dans le choix des reproducteurs. Ainsi, la consanguinité diminuera et les risques de baisse de performances seront limités.

5.3.5. Etude de l'origine des gènes
La population de baudets du Poitou compte 52 fondateurs. Il s'agit des ânes dont les parents ne sont pas connus. Le nombre de fondateurs efficaces s'élève à 27,1. Il est encore possible de voir ici l'inégalité dans l'utilisation des baudets. En effet, si tous les fondateurs avaient la même contribution, le nombre de fondateurs devrait être environ 50% moins élevé.
Outre l'étude des fondateurs, le logiciel d'analyse de généalogie détermine les principaux ancêtres d'une population, c'est à dire les animaux dont les contributions sont les plus élevées. Ils correspondent à des goulots d'étranglement dans l'arbre généalogique.

Ainsi, les 13 principaux ancêtres des baudets du Poitou sont :
   
NOM
 
Année de naissance
 
Sexe
Contribution
 
absolue
 
relative
 
totale
 
1
 
DIVISEUR
 
1969
 
M
 
0,1255
 
0,1255
 
0,1255
 
2
 
BACCHUS
 
1947
 
M
 
0,1214
 
0,1214
 
0,2468
 
3
 
DARTAGNAN
 
1969
 
M
 
0,0886
 
0,0775
 
0,3244
 
4
 
GAULOIS
 
1972
 
M
 
0,0755
 
0,0755
 
0,3999
 
5
 
AMANDE
 
1966
 
F
 
0,0944
 
0,0708
 
0,4707
 
6
 
NESTOR
 
?
 
M
 
0,1019
 
0,0705
 
0,5412
 
7
 
GASPARD
 
1972
 
M
 
0,0723
 
0,0452
 
0,5864
 
8
 
SANS-GÊNE
 
1960
 
M
 
0,0870
 
0,0320
 
0,6184
 
9
 
DRAGONNE
 
1947
 
F
 
0,0277
 
0,0277
 
0,6462
 
10
 
CONE
 
1968
 
M
 
0,0369
 
0,0277
 
0,6739
 
11
 
ESPOIR
 
1970
 
M
 
0,0443
 
0,0277
 
0,7016
 
12
 
ETINCELLE
 
?
 
F
 
0,1032
 
0,0258
 
0,7274
 
13
 
GOLIATH
 
?
 
M
 
0,0246
 
0,0246
 
0,7520
La contribution relative tient compte de la contribution des ancêtres d'un animal. Par exemple, si la contribution relative d'Etincelle est nettement inférieure à sa contribution absolue, c'est parce que sa mère, Amande, a elle-même une forte contribution.

Comme il était prévisible, les " baudets-goulot d'étranglement " sont en grande partie des animaux reproducteurs en 1977, c'est à dire, au moment où les effectifs étaient au plus bas.

5.3.6. Etude des liens de parenté
Outre les calculs de coefficients de consanguinité, le logiciel d'analyse de généalogie détermine les coefficients de parenté.
L'étude de ces coefficients montre que les baudets agréés à la monte en 2000 sont génétiquement proches entre eux : la moyenne est de 7,5%. Elle reste cependant peu significative car l'écart type s'élève à 4,9.



En résumé:

Les coefficients de consanguinité et de parenté mettent en évidence une consanguinité élevée au sein de la population des baudets du Poitou. Deux raisons à cela :

    • Les souches de la population actuelle sont peu nombreuses car il ne restait que 44 animaux en 1977,

    • Les éleveurs prêtent souvent plus attention au phénotype qu'au génotype.

Il convient dès à présent de lancer un programme de gestion génétique afin d'éviter toutes dérives.






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